Décembre 2016
Le syndrome hollandais à l’épreuve des prix bas du pétrole : de la faillite économique aux recompositions (géo)politiques / Par Bastien Alex et Stéphane Tchung-Ming
Énergie : transitions et recompositionsRIS N°104 – Hiver 2016
L’effondrement des cours du brut initié en juin 2014 a surpris, par sa brutalité et son ampleur, l’ensemble des observateurs des marchés pétroliers, notamment au sein des États où la rente des hydrocarbures compte parmi les principaux contributeurs aux finances publiques. Par sa persistance, dont les fondements sont aussi bien géopolitiques qu’économiques, cette séquence de prix bas met en lumière plusieurs phénomènes comme la résilience des hydrocarbures non conventionnels, l’évolution du rôle stratégique de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) – et particulièrement de l’Arabie saoudite au sein du cartel – ou encore l’amplitude des cycles pétroliers, soit les variations entre prix haut et bas sur les marchés au sein d’un même cycle. Considérée à la fois comme une bonne nouvelle – transfert de devises des pays exportateurs vers les pays importateurs – et un oiseau de mauvaise augure – annonce, en raison de la chute des investissements en 2015 et sans doute en 2016, d’un rééquilibrage à venir sur les prix, la faiblesse des prix du pétrole soulève également plusieurs interrogations d’ordre géopolitique et sécuritaire. Elle teste dans ses fondements l’exposition des pays producteurs aux risques liés au syndrome hollandais, une maladie dont ils ont grand peine à guérir, voire à débuter le traitement. Certains, en situation de faiblesse, ne sont-ils pas menacés d’effondrement ? Cela pourrait-il conduire à des troubles régionaux ? Ainsi la conjoncture actuelle pousse-t-elle à réexaminer à la fois les contours d’une pathologie – potentiellement létale pour certains patients – et ses conséquences.
Aux origines d’un mal persistant
Principes généraux
Le terme de « syndrome hollandais », ou « Dutch disease », apparaît en 1977, lorsque le magazine The Economist [1] évoque la situation paradoxale de l’économie des Pays-Bas. Alors que les prix du pétrole et du gaz augmentent fortement dans les années 1970 et que les revenus tirés de l’exportation gazière progressent, l’économie néerlandaise souffre d’une série de symptômes : la devise s’apprécie rapidement, l’inflation est forte, le taux de chômage augmente et les exportations en volume de produits autres qu’énergétiques diminuent [2].
La désindustrialisation au Royaume-Uni au moment du « boom » de l’extraction pétrolière, dans les années 1970-1980, fournit une autre illustration de cette problématique. La figure n° 1 montre une corrélation négative entre la croissance du secteur minier et celle du secteur manufacturier sur la période 1970-1985, causalité confirmée par plusieurs analyses empiriques.
En principe, le développement d’une industrie extractive doit contribuer à l’entraînement de l’économie locale en stimulant la demande dans d’autres secteurs – notamment le transport et les biens d’équipement nécessaires à ladite industrie. Par ailleurs, une augmentation de la masse salariale distribuée par l’industrie extractive doit se traduire localement par une croissance de la consommation. Une partie du capital disponible doit aussi être réinvestie dans l’économie locale. Or dans certains cas, aucun de ces quatre effets ne se produit. Le secteur extractif se trouve alors isolé du reste de l’économie. Le lien s’établit ainsi par l’intermédiaire de l’État, dont la politique budgétaire et redistributive détermine les retombées économiques pour les autres secteurs.
La situation dans laquelle un État bénéficie, du fait de l’exportation d’une ressource, de rentrées régulières de rentes externes est susceptible d’introduire d’autres distorsions. Ces rentes externes se définissent comme des redevances payées par des tiers étrangers – entreprises ou gouvernements – à un pays donné. Lorsqu’elles constituent une partie importante du budget de l’État et qu’il en est le principal bénéficiaire, on parle d’État rentier [3]. Le problème posé est alors le suivant : la consommation peut devenir très importante et diversifiée, alors que, dans le même temps, l’appareil productif stagne ou régresse. Le niveau de développement n’est donc pas le fruit d’une croissance locale [4].
Enfin, toute économie dispose d’une capacité d’absorption du capital limitée à court terme. Le recyclage des recettes dans des politiques d’investissement – en infrastructures, etc. – doit donc, en principe, rechercher un optimum au-delà duquel le bénéfice marginal des montants investis devient négatif.
L’équilibre de la balance commerciale
Des travaux étudient le syndrome hollandais en tentant d’en quantifier les effets potentiels sur l’économie, et surtout en introduisant des liens avec les marchés internationaux. Les économistes s’intéressent alors à un « boom » sur un secteur exportateur et à ses conséquences sur le reste de l’économie. Le « boom » peut provenir d’un choc exogène sur le progrès technique ou sur les prix d’exportation, ou encore sur la découverte et la mise en production d’une ressource naturelle.
L’un des éléments principaux de l’analyse repose sur la notion d’équilibre de la balance commerciale. Ainsi, lorsqu’un secteur minier se développe rapidement, l’excédent de balance commerciale est absorbé par une appréciation du taux de change ou par l’inflation locale – ce qui désavantage l’économie locale ou les autres secteurs exportateurs [5]. La relation d’équilibre explique, par ailleurs, la difficulté à mettre en place des mesures de court terme pour soutenir les secteurs en contraction : toute aide apportée à un secteur se fait au détriment du reste de l’économie. Ce phénomène de « désindustrialisation », lorsqu’un secteur exportateur se développe rapidement, repose également sur la modification de la structure de production. W. Max Corden et J. Peter Neary mettent ainsi en évidence une désindustrialisation indirecte du secteur manufacturier, qui voit sa main-d’œuvre diminuer du fait de l’augmentation de la demande indigène [6]. Ainsi, sur le long terme, les principaux instruments de régulation consistent en une forme de stérilisation des recettes de l’exploitation de la ressource – par exemple des fonds souverains – afin de permettre une croissance harmonieuse de la consommation et des investissements locaux [7] ; les politiques monétaires permettent alors d’assurer des ajustements de court terme.
Des malades divers
On trouve, parmi les « malades » du syndrome hollandais une grande variété de pays, à la fois victimes et coupables de la persistance de cette pathologie et qui, au-delà des éléments d’organisation de l’économie, présentent nombre de similitudes d’un point de vue politique.
En dépit d’une évidente diversité culturelle et géographique, ces pays se caractérisent généralement par des régimes plutôt autoritaires, au sein desquels les dirigeants jouissent d’une certaine longévité, et par leur extrême dépendance aux cours des matières premières, ici les hydrocarbures et leurs dérivés. Le prix du baril nécessaire à l’équilibre budgétaire (breakeven fiscal), soit plus de 100 dollars pour chacun des pays est à replacer dans la conjoncture actuelle où les cours naviguent sous les 55 dollars depuis le mois de juillet 2015 (49,43 dollars pour le WTI au 26 octobre 2016), avec un minima (27 dollars) atteint tout début janvier 2016. Comment ces pays supportent-ils alors cette situation ?
Des vulnérabilités critiques
L’impact est globalement négatif, voire problématique dans certains des pays les plus exposés de l’OPEP, surnommés les fragile five [8] – Algérie, Libye, Nigeria, Irak, Venezuela. Principale conséquence pour ces économies rentières, l’effondrement des recettes de l’État, dont le budget doit alors être réévalué en prenant en compte le nouveau prix et ses évolutions probables à court terme. La plupart de ces pays connaissent un regain d’inflation, voire, dans le cas particulier du Venezuela, un processus d’hyperinflation – et un effondrement de la valeur de leur monnaie. Certains ont également enregistré un abaissement de leur notation sur les marchés financiers, provoquant un renchérissement du coût du crédit et des difficultés d’emprunt.
Cela se traduit par des réformes inhabituelles et impopulaires visant à stopper l’hémorragie budgétaire dans des pays où la rente est indispensable à l’achat de la paix sociale. Ainsi, le gouvernement algérien a dû élaborer de nouvelles taxes afin de faire face à la chute des revenus des hydrocarbures : hausse de deux points de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), taxe sur les véhicules anciens, sur les baux commerciaux et immobiliers et sur les produits pétroliers – gazole et essence [9].
Le Nigeria est, pour sa part, entré en récession en 2016, année où le produit intérieur brut (PIB) devrait reculer de 1,8 % selon le FMI [10], mais de 2 à 3 % selon certaines sources [11]. La chute des prix du pétrole a sévèrement frappé les finances du gouvernement, qui n’est ainsi plus en mesure de reverser une partie de la rente aux 36 États fédérés. Conséquences directes, les salaires des fonctionnaires ne peuvent être versés ni les dépenses courantes assurées. Le budget 2016 prévoit un recul de 43 % des recettes liées aux exportations pétrolières [12].
Le Venezuela est sans doute dans la situation la plus difficile. La production, en constant recul, a perdu 250 000 barils en 2016, tombant à 2,33 millions de barils par jour au mois d’août, en dessous des niveaux du début des années 2000 [13]. Pour faire face à ce déclin et à l’effondrement de ses recettes, le pays a décidé de proposer des contrats d’exploration certes avantageux à long terme. Ceux-ci requièrent toutefois des compagnies qu’elles investissent les premiers deniers, sans qu’elles puissent s’assurer de la rentabilité de leur investissement ni de la viabilité du gouvernement et de Petróleos de Venezuela SA (PDVSA), compagnie nationale suspectée d’annoncer des coûts de production assez élevés. Au-delà de l’effondrement des prix, c’est le secteur des hydrocarbures tout entier qui pose question. La nationalisation de l’entreprise sous Hugo Chávez et la politique menée ont conduit à la fuite des capitaux étrangers, mais aussi des compétences, limitant de facto la valorisation du potentiel du pays, fort des premières réserves de brut au monde mais qui voit sa production décliner. L’économie est en récession depuis 2014, sachant que la contraction du PIB pourrait atteindre 8 % en 2016, l’inflation 700 % et même 2 200 % en 2017 [14]. La Chine, principal créancier du Venezuela auquel elle a prêté plus de 60 milliards de dollars depuis 2007, pourrait durcir sa politique si les finances de ce dernier continuaient de se dégrader [15].
Ces pays n’ont pas tous été capables d’initier une transition ou de constituer des réserves de change pendant le cycle précédent, durant lequel le prix du baril dépassait les 100 dollars [16]. En ne tirant pas suffisamment avantage de ce contexte propice à l’investissement dans la diversification de leur économie, mais aussi en raison de l’absorption d’une partie de la rente par la corruption, ils ont porté la dépendance au cours du baril au rang de risque systémique, démontrant le caractère structurel – et non conjoncturel – des difficultés qu’ils rencontrent [17]. Cela n’est pas sans poser question sur le plan géopolitique et sécuritaire.
Quelles conséquences sur la stabilité des États et la sécurité régionale ?
La prédiction et l’évaluation des impacts de la chute des cours sur des paramètres aussi essentiels que la stabilité politique et la sécurité constituent un exercice complexe. Sans rentrer dans la prospective à long terme, il est toutefois possible – en évitant les analyses qui attribuent un poids excessif à ces commodités – d’esquisser un éventail de conséquences et de risques à des échelles différentes.
Heurts internes
Tout d’abord, l’achat de la paix sociale ne fait plus « recette ». Ce simple constat ébranle les fondements de la grande majorité des pays exportateurs d’hydrocarbures qui ne peuvent s’appuyer sur d’autres ressources. Selon Terry Lynn Karl, « les prix bas créent un mélange toxique entre devises faibles, inflation, augmentation de la dette, déficits budgétaire et commerciaux, hausse des prix des denrées alimentaires, coupes dans les services publics de base et explosion de la pauvreté » [18]. Dans des États fragiles où la puissance publique est mise à rude épreuve, l’installation du chaos voit son statut d’hypothèse pessimiste passer à celui de perspective envisageable.
Au Venezuela, déjà confronté à des troubles internes, les vols découlant de la pénurie se multiplient et contribuent à l’augmentation de la violence. On constate l’apparition de milices citoyennes qui, dans certains quartiers de Caracas, ont conduit au lynchage des coupables, phénomène que la police – qui n’est plus payée – n’est pas en mesure d’éviter. L’autre scénario qui se dessine est celui d’un affrontement entre différentes factions de l’armée, qui refusera de sombrer avec le président Maduro, ou bien entre l’armée et certaines milices bolivariennes qui ont échappé depuis longtemps au contrôle des chavistes. Selon le Conseil national électoral, le référendum révocatoire demandé par l’opposition, exercice auquel s’était prêté H. Chávez en 2004, n’aura pas lieu avant le milieu du premier trimestre 2017. Cela conduirait, en cas de désaveu de Nicolás Maduro, à son remplacement par son vice-président jusqu’au terme de son mandat, en 2019, et non à la convocation d’élections anticipées, comme le souhaitent ses opposants [19]. Au-delà des questions d’alternance, la capacité de ces derniers à relever le pays n’étant pas démontrée, c’est bien la sécurité du pays qui doit être placée au premier rang des préoccupations, ce qui ne pourra s’obtenir autrement que par une négociation avec l’opposition.
Le Nigeria entre, lui aussi, dans une spirale de violence où les activistes dans le delta du Niger (Niger Delta Greenland Justice Mandate [20]) profitent de la faiblesse du pouvoir central, dont les moyens sont réduits, tout en dénonçant la confiscation de la rente pour légitimer leurs actions. Les groupes frappent plus forts, mettant à mal à la fois la production pétrolière dans le delta du Niger, mais aussi les infrastructures de production d’électricité à partir du gaz [21]. Ces attaques répétées dans la région – qui souffre de ce fait d’une pollution endémique – pourraient bien représenter un mal encore plus dangereux pour le gouvernement que les activités de Boko Haram [22].
La déstabilisation des territoires
La déstabilisation d’un territoire n’est pas sans conséquences extraterritoriales en matière économique, politique, sécuritaire ou encore migratoire. Plusieurs des fragile five risquent de se retrouver – quand ils ne le sont pas déjà – dans une situation qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur le plan régional.
L’Algérie prête une grande attention aux évolutions de la Libye, qui peine à sortir de la crise consécutive à l’intervention occidentale de 2011, dont les suites n’ont été ni pensées ni gérées. Pour Tripoli, les prix bas du pétrole sont un paramètre de plus venant amputer les marges de manœuvre d’un gouvernement qui tente toujours sans succès de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire. La perspective d’une aggravation du chaos national resurgit avec les mouvements récents des troupes du général Haftar qui ont, au cours du mois de septembre 2016, repris aux gardes pétroliers d’Ibrahim Jadran plusieurs terminaux pétroliers (Al-Sidra, Zoueitina, Ras Lanouf, Brega). Cette situation n’est pas pour rassurer Alger qui, pour l’heure, soutient le gouvernement d’union nationale, qui lui paraît le plus apte à préserver sa frontière orientale [23]. Le régime algérien, fragilisé par la lancinante question de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika, subit une pression supplémentaire en raison de la chute de ses revenus, dont certains clans pourraient tirer profit.
Le Venezuela voit, pour sa part, les rapports de forces régionaux se modifier en sa défaveur. Le Brésil, le Mexique, le Paraguay, le Pérou et l’Argentine ont appelé, dans une lettre ouverte, le gouvernement de Caracas à entamer un dialogue constructif avec l’opposition, après avoir exprimé leur inquiétude vis-à-vis de la décision du Conseil électoral [24]. Parmi eux, les quatre membres du Mercosur ont accordé au Venezuela un délai de mise en conformité avec les exigences de l’organisation, sous peine d’exclusion. Ces manœuvres suscitent parmi les soutiens de la révolution bolivarienne, soucieux de préserver l’indéniable héritage social du chavisme, des réactions allant de la crainte de l’imposition d’un modèle néolibéral qui accentuera le creusement des inégalités aux soupçons de complot international orchestré par la droite, avec l’appui des oligarchies financières, visant à détruire les acquis de la révolution [25].
Le jeu des puissants
Un pays affaibli est un pays vulnérable aux attaques spéculatives. Malgré ses annonces qui pouvaient, de prime abord, laisser imaginer une rupture vis-à-vis de sa politique vénézuélienne, la Chine pourrait tirer un large profit de la situation à l’œuvre dans le pays [26]. Beijing investit également en Algérie, en mal de croissance [27]. Forte de ses réserves de change, la Chine, premier importateur de pétrole au monde, peut ainsi sécuriser ses approvisionnements tout en consolidant ses alliances stratégiques.
La Russie, ancienne superpuissance qui rencontre toujours d’importantes difficultés sur la voie de la diversification économique, doit investir pour maintenir son niveau de production, tout en soutenant son effort de guerre en Syrie et en subissant les sanctions américaines et européennes. Certains analystes américains évoquent déjà la possibilité d’un nouvel aventurisme russe motivé par le renflouement des caisses et destiné à détourner l’attention de l’opinion publique [28]. Or les dynamiques de politiques étrangères obéissent à des logiques multifactorielles. Si la cote de popularité de Vladimir Poutine a souvent bénéficié des épisodes guerriers – Géorgie en 2008, Ukraine en 2014 –, le président jouit déjà du soutien populaire lui permettant d’en faire désormais l’économie. De même, une telle démarche de l’Iran, frappé par la baisse des prix, en cours de réintroduction dans le jeu régional et international et soucieux de voir les sanctions à son encontre levées, semble peu probable.
Les risques de heurts internes comme conséquences des bas prix du pétrole sont donc réels, aussi bien du point de vue de leur apparition que de leur aggravation. Les répercussions régionales de l’affaiblissement de certains États ne sont également pas à exclure, même si leur portée reste difficile à évaluer car dépendante d’autres paramètres. La pression exercée par des cours à la baisse vient ainsi s’ajouter aux paramètres susceptibles de rebattre les cartes.
Si la rareté de la ressource crée les conditions d’une compétition, voire d’une opposition, l’abondance – matérialisée par le surplus de production actuel – peut également conduire à des situations éminemment problématiques. Surtout, la conjoncture démontre une nouvelle fois le caractère obsolète, inégalitaire et dangereux du modèle de développement basé sur la seule exploitation des ressources fossiles. Cette configuration fournit-elle une opportunité de changement, à la manière d’un choc thérapeutique ? Cet argument est plus souvent avancé qu’il ne se vérifie. Les timides réformes algériennes et les errements budgétaires nigérians, qui ne prennent guère le chemin d’une rupture profonde, semblent le confirmer.
De l’ivresse pétrolière à la vertu réformatrice, il n’y a qu’un pas, mais il paraît bien délicat à franchir. La situation actuelle continue de donner raison aux thèses défendues par Luis Martinez [29] ou Timothy Mitchell [30]. Les logiques rentières paraissent ébranlées mais résistent et devraient, partout, se maintenir. Le syndrome hollandais rappelle ainsi bien curieusement celui de Stockholm, selon lequel la victime s’éprend de son bourreau. Triste ironie que de constater cette addiction à la rente, que ces régimes ne peuvent se résoudre à abandonner tout en sachant qu’ils en seront inéluctablement de nouveau victimes et ce, dès le terme du prochain cycle haussier.
- [1] « The Dutch Disease », The Economist, 26 novembre 1977. Rappelons que le terme englobe toutes les matières premières, minérales, alimentaires, énergétiques, etc.
- [2] Des exemples plus anciens évoquent ce phénomène dès le milieu du XIXe siècle : John E. Cairnes (1859) analyse le cas australien à la lumière du développement rapide de l’exploitation aurifère démarrée en 1851 – et de la Californie à la fin des années 1840.
- [3] Hossein Mahdavy, « The Pattern and Problems of Economic Development in Rentier States : The Case of Iran », in Michael A. Cook (dir.), Studies in the Economic History of the Middle East, Oxford, Oxford University Press, 1970.
- [4] Hazem Al Beblawi et Giacomo Luciani, « The Rentier State in the Arab World », in Giacomo Luciani (dir.), The Arab State, Londres, Routledge, 1990.
- [5] Robert George Gregory, « Some implications of the growth of the mineral sector », The Australian Journal of Agricultural Economics, vol. 20, n° 2, 1976.
- [6] W. Max Corden et J. Peter Neary, « Booming sector and de-industrialisation in a small open economy », The Economic Journal, vol. 92, n° 368, décembre 1982.
- [7] Frederick van der Ploeg et Anthony J. Venables, « Absorbing a Windfall of Foreign Exchange : Dutch Disease dynamics », Journal of Development Economics, vol. 103, juillet 2013.
- [8] Expression employée par le cabinet RBC Capital Market dans une étude réalisée en 2015 par Helima Croft. Nous avons ici sélectionné un échantillon de pays représentatif sur le plan géographique et politique.
- [9] « Algeria to impose new taxes to cover budget deficit », Middle East Monitor, 24 septembre 2016.
- [10] FMI, Perspectives de l’économie mondiale, Washington, juillet 2016.
- [11] Joan Tilouine, op. cit.
- [12] « La crise au Nigeria n’est pas seulement conjoncturelle », Le Monde, 6 septembre 2016.
- [13] Nick Cunningham, « Venezuela Announces $3.2 Billion In Oil Deals As Default Looms », OilPrice, 23 septembre 2016.
- [14] FMI, Regional Economic Outlook. Western Hemisphere. Managing Transition and Risks, Washington, avril 2016, p. 30.
- [15] Kejal Vyas, « China Rethinks Its Alliance With Reeling Venezuela », The Wall Street Journal, 11 septembre 2016.
- [16] C’est particulièrement le cas du Venezuela et du Nigeria, la Russie ayant pour sa part dilapidé une grande partie de ses réserves dans sa politique de défense du rouble depuis les sanctions prises à son encontre en 2014.
- [17] Yves Besançon, op. cit.
- [18] « The Hidden Consequences of the Oil Crash », Politico Magazine, 21 janvier 2016.
- [19] « Venezuela : le référendum contre Maduro n’aura pas lieu en 2016 », LeMonde.fr, 22 septembre 2016.
- [20] Ce groupe succède au Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger et aux Vengeurs du delta. Il a revendiqué un attentat le 13 septembre 2016 après que les Vengeurs, très actifs durant l’été, ont accepté de négocier avec le gouvernement. « Nigeria : nouvelle attaque contre un important oléoduc dans le Delta du Niger », Jeune Afrique, 13 septembre 2016.
- [21] Freedom C. Onuoha, « The Resurgence of Militancy in Nigeria’s Oil-Rich Niger Delta and the Dangers of Militarisation », Al-Jazeea Center for Studies, 8 juin 2016.
- [22] Simon Allison, « Boko Haram may not be Nigeria’s biggest threat », Institute for Security Studies, 7 juin 2016.
- [23] Laurent de Saint Perier, « Libye : qui a peur de Khalifa Haftar ? », Jeune Afrique, 30 mai 2016.
- [24] « Venezuela’s recall delay divides Latin American nations », Buenos Aires Herald, 30 septembre 2016.
- [25] Ignacio Ramonet, « Le Venezuela en incandescence », Mémoires des luttes, 1er janvier 2016.
- [26] Sarah Hsu, « China Isn’t Giving Up On Venezuela Just Yet », Forbes, 8 octobre 2016.
- [27] Lamine Chikhi, « Hit by oil price drop, Algeria turns to China for funds », Reuters, 20 janvier 2016.
- [28] Tels Terry Lynn Karl ou John MacLaughlin, entre autres, « The Hidden Consequences of the Oil Crash », op. cit.
- [29] Luis Martinez, Violence de la rente pétrolière, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.
- [30] Timothy Mitchell, Carbon Democracy, Paris, La Découverte, 2013.