Quelle posture française dans le cas d’une escalade dans le détroit de Taiwan ?

Les tensions dans le détroit de Taiwan se sont fortement accrues au cours des dernières années, notamment en marge de l’affirmation de puissance militaire chinoise. On se souvient ainsi des manœuvres militaires engagées en réponse à la visite à Taipei de Nancy Pelosi (alors présidente de la Chambre des représentants à Washington) début août 2022. Quelques semaines plus tard, lors du vingtième congrès national du parti communiste chinois en octobre 2022, le président chinois Xi Jinping annonça un renforcement de l’appareil militaire chinois pour doter son pays d’une « armée de classe mondiale » à l’horizon 2027. Plus récemment, à l’occasion de l’Assemblée nationale du peuple, les observateurs ont noté la substitution de l’habituelle « réunification pacifique » par « réunification ferme » dans le rapport sur le budget du Premier ministre Li Qiang. Les forces navales chinoises pourraient atteindre une masse critique aux alentours de 2030, date à partir de laquelle le coût d’entretien de la flotte existante n’autoriserait plus le financement de navires supplémentaires. Puisque les forces taiwanaises ignorent ces contraintes, la fenêtre temporelle optimale pour réaliser une manœuvre militaire sera brève. Passé ce délai, le rapport de force deviendra de plus en plus défavorable à Pékin.

Ces tensions interpellent la communauté internationale, compte tenu des conséquences incertaines d’une escalade militaire. Si la France n’entretient plus de relations diplomatiques avec la République de Chine (Taiwan) depuis 1964, les échanges économiques et culturels restent très importants, et la diplomatie parlementaire très active. Paris insiste par ce biais sur la nécessité d’un statu quo permettant de maintenir la souveraineté territoriale et politique de Taiwan, dont le système démocratique est par ailleurs loué à Paris. Une mission de députés et sénateurs français s’est ainsi rendue à Taipei en mai 2024, à l’occasion de l’intronisation du président Lai Ching-te, et des visites sont fréquemment organisées par les groupes d’amitié.

À brève échéance il est assez peu probable, mais pas impossible, à la faveur d’une dégradation de la situation économique chinoise entrainant une rupture du contrat social l’unissant à sa population, que la Chine amorce une escalade militaire avec Taiwan pour mettre en avant ses ambitions politiques et territoriales. Cependant, dans un scénario d’escalade qui ne saurait être totalement exclu, la France, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU et seul pays européen à disposer de territoires dans l’Indo-Pacifique (en plus d’avoir des capacités militaires dans la zone), sera tenue de prendre position par rapport aux principaux acteurs : Taiwan, la Chine, les États-Unis ou encore le Japon.

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