Fortement affaibli par la victoire des républicains aux élections mi-mandat, Barack Obama s’est engagé dans la plus longue tournée à l’étranger depuis son arrivée au pouvoir: en Inde, en Indonésie, en Corée du Sud, puis au Japon. La deuxième tournée asiatique du président américain, un an après la précédente, mais dans un contexte politique qui a bien changé depuis, est un nouveau test important pour Obama, sur le terrain de la politique étrangère cette fois. À tel point qu’on pourrait se demander si cette tournée loin de Washington n’arrive pas au pire moment pour un locataire de la Maison-Blanche qui a fait de la politique économique et sociale la priorité absolue de la deuxième moitié de son mandat.
À bien des égards, en s’éloignant de Washington, Obama s’expose aux critiques de ses adversaires politiques, qui profitent de son absence pour railler son bilan et préparer l’alternance politique à la Chambre des représentants. Et pourtant, cette tournée dans les plus grandes démocraties asiatiques est non seulement importante en matière de politique étrangère, dans une région qui constitue une priorité pour Barack Obama, mais elle est aussi l’occasion de relancer le leadership américain, notamment par rapport à la montée en puissance de la Chine.
La liste des pays visités n’a pas été choisie au hasard, et indique clairement les ambitions de Washington. En Inde, le président américain a confirmé l’intérêt grandissant que les États-Unis portent à la plus grande démocratie du monde, en affichant le soutien à New Delhi en vue d’obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, et surtout en affirmant sa croyance dans l’aptitude de l’Inde à devenir une des premières économies au monde.
Une manière de rappeler que si le monde a les yeux tournés vers la Chine, l’Inde ne doit pas rougir de ses progrès. La première visite officielle d’Obama en Indonésie, pays dans lequel il a passé une partie de son enfance, est hautement symbolique, et pas uniquement pour des raisons personnelles. Dans le premier pays musulman de la planète, où il est très populaire, le président américain souhaite relancer le dialogue avec le monde musulman, amorcé au Caire l’an dernier.
En terminant sa tournée au Japon, où il participera à un forum économique Asie-Pacifique, Obama va chercher à conforter le partenariat stratégique Washington-Tokyo, qui a fortement souffert ces dernières années de la question des bases américaines, et rappeler, comme Hillary Clinton l’avait fait lors de son premier déplacement à l’étranger en tant que secrétaire d’État, que le Japon reste la pierre angulaire de la politique américaine en Asie-Pacifique.
Mais c’est surtout le passage à Séoul, pour assister à un très attendu sommet du G20, qui constitue le point d’orgue de cette longue tournée asiatique. Ce sommet a été soigneusement préparé par la Chine, notamment à l’occasion d’un séjour officiel de Hu Jintao en France la semaine dernière. Pékin, où Obama ne fait pas halte cette fois, voit dans la présidence française, qui s’ouvre après le sommet de Séoul, une occasion de faire avancer les dossiers sur lesquels elle rivalise avec les États-Unis, notamment la question de la réforme du système monétaire.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, le FMI vient d’annoncer le renforcement du poids des économies émergentes, permettant à la Chine de se placer juste après les États-Unis et le Japon dans le processus décisionnel de l’instance internationale. La Chine se présente à Séoul plus forte que jamais, et décidée à contrer le leadership américain.
Devant ces succès chinois, le président américain doit réagir, et cette visite chez quatre membres du G20 dans le voisinage de la Chine n’est pas anodine. Les États-Unis chercheraient-ils ainsi, au travers de cette tournée, à contrer l’émergence de la Chine? Pas nécessairement, les différents pays visités étant des partenaires de plus en plus proches de Pékin. Mais il est hautement probable qu’après deux ans d’une présidence marquée par une relance du dialogue sino-américain (certains observateurs évoquant même un G2) qui a plus réussi à Pékin qu’à Washington, Obama pourrait tenter une autre approche, plus en phase avec le Parti républicain, consistant à reprendre la stratégie de «l’endigagement» amorcée sous l’administration Bush, et reposant sur une série de partenariats avec des États asiatiques autres que la Chine.
Difficile évidement d’empêcher la Chine de rayonner, et c’est donc sur les moyens d’encadrer sa montée en puissance et de lui faire accepter les règles occidentales en matière de politiques économiques, commerciales et monétaires, que les États-Unis semblent désormais porter toute leur attention. Il est ainsi intéressant de constater que si la Chine ne figure pas au programme de cette tournée, elle est plus omniprésente que jamais.