La conjoncture a énormément changée. Il y a eu une évolution incontestable des positions chinoises et russes. Il est certain qu’il faut toujours se méfier de Bachar al-Assad, mais il n’est plus dans la capacité de promener aussi facilement la communauté internationale, comme il l’a fait jusqu’à présent. Il jouissait du soutien total de la Russie et de la Chine. Ces derniers n’ont certes pas changé du tout au tout. Il n’y a pas de demande de départ de Bachar al-Assad.
Je pense que la Russie est un acteur majeur du dossier. C’est avec eux qu’il faut discuter pour permettre l’ouverture d’un dialogue. Pekin et Moscou, mais surtout Moscou, doivent maintenir une position ferme en vue du dossier iranien, qui sera crucial. Mais toujours sans être figé. En matière diplomatique, il faut toujours savoir faire des compromis. C’est pour ça que les Russes vont continuer à soutenir le régime actuel tout en exerçant une pression soft. Le changement sera lent. L’Arabie Saoudite et le Qatar ont voulu brusquer les choses sans avoir les garanties et le poids suffisant pour le faire. C’est un échec.
Si les six éléments sont mis en pratique, ce sera déjà une avancée énorme. Ne négligeons pas la portée de ce texte si il est appliqué. Cela nécessite que le régime accepte de faire des concessions mais aussi que le Conseil National Syrien (CNS) soit en capacité de répondre.
Depuis le début, l’opposition, ou plutôt les oppositions, tant elles sont divisés, ferment la porte à toutes les tentatives d’ouvertures du régime. Est-ce que le CNS aura la volonté de se mettre autour de la table? Ou même d’ouvrir des pourparlers à distance? Je ne le crois pas, en tout cas pas dans sa forme actuelle. Il s’est enfermé dans une telle logique d’opposition frontale que je crains fort qu’il ne puisse pas évoluer vers le dialogue. Ils sont dans un schéma ‘Bachar dégage, après on discutera’. C’est difficile de changer sans se renier. Certains, peut-être, tireront le bilan d’un an de combat et se rallieront avec d’autres groupes d’opposition interne pour discuter. Bachar ne restera pas 30 ans au pouvoir mais il ne partira pas dans les 15 jours.
Bachar n’est pas Kadhafi, les structures sociales du pays et l’histoire sont différentes. C’est certain qu’il est mal informé, les conseillers font pare-feu. Mais le pouvoir de Bachar repose sur des réseaux qui lui font remonter des informations. Il faut faire la différence entre sa posture négationniste dans les médias et sa pensée réelle. Son comportement, bien-sûr horrible, avait une vraie logique et même une stratégie. Il n’est pas autiste.
C’est un élément secondaire à l’heure actuelle. Ca jouera peut-être pour le coup d’après, quand il sera question de la sortie de Bachar al-Assad. Il doit en tenir compte mais c’est loin d’être déterminant.