Pourquoi le Kremlin a-t-il fini par accepter un texte condamnant le président syrien : premier pas vers un lâchage ? Diversion après la contestation des élections en Russie ? Les réponses de TF1 News avec Philippe Migault, spécialiste de la Russie.
Dans la psychologie russe, on ne cède jamais sous la pression. Depuis des mois, les Occidentaux veulent une condamnation de la Syrie. Depuis des mois, la Russie se fait désirer. Et comme elle se fait désirer, c’est elle qui fixe l’agenda et l’emploi du temps du Conseil de sécurité, et non ceux qui ont pris l’initiative de la résolution.
Pour comprendre cette attitude, il faut rappeler que la politique étrangère russe passe par le Conseil de sécurité. Depuis 15 ans, la Russie répète que c’est lui qui doit gérer les grandes affaires internationales. Elle a donc trouvé insupportable que les Etats-Unis soient intervenus au Kosovo en 1999 et en Irak en 2003 en se passant de son aval.
Avec la Syrie, elle a trouvé un moyen de reprendre la main en faisant "poireauter" les Occidentaux. Et elle est d’autant plus à l’aise pour donner le ton aujourd’hui puisque la Chine n’a encore rien dit. Or Pékin pourrait très bien continuer à bloquer le projet de résolution.
J’y vois deux raisons. Tout d’abord, le nouveau rapport-bilan de l’Onu en début de semaine. Il était difficile de rester de marbre face aux chiffres avancés (ndlr : plus de 5.000 morts depuis mars). Ensuite, c’est un élément de diversion face aux critiques occidentales sur les élections russes. Quand on parle de la Syrie, on ne parle pas de la Russie elle-même. Même si c’est un cliché, n’oublions pas que les Russes sont des excellents joueurs d’échecs. Chez eux, tout est pesé, rien ne se fait sous le coup de l’émotion.
Je ne pense pas. Regardons le texte du projet russe : ils renvoient dos-à-dos le régime syrien comme l’opposition. Cela me semble surtout sonner comme un avertissement pour Assad, une manière de lui dire "Calme-toi un peu", et donc aussi une façon de lui dire qu’il sera encore soutenu.
Au-delà de la Russie, Assad peut aussi compter sur l’appui de la Chine, qui déteste les ingérences dans les politiques intérieures des régimes autoritaires. Si des concessions sont possibles, cela n’ira probablement pas plus loin.