• Interview de [Pierre Verluise->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=verluise] par par Anthony Hernandez

La FIFA a désigné jeudi la Russie et le Qatar comme pays organisateurs des Coupes du monde 2018 et 2022, après un vote du comité exécutif de l’instance du football international. Alors que les candidatures anglaise ou ibérique semblaient favorites en 2018, le choix de la Russie suscite controverses et vives critiques. Pierre Verluise, directeur de site de géopolitique Diploweb.com, analyse la décision au regard des intérêts russes.

Quel est le premier sens de cette attribution à la Russie ?

La crise de 2008 a cassé la dynamique de forte croissance du pays fondée sur la rente des hydrocarbures. D’ailleurs, le président Medvedev en personne a eu des mots très durs sur cette dépendance. Dans une logique de modernisation, d’investissement et d’ouverture au monde, la décision de la FIFA prend du sens. L’organisation du Mondial 2018 générera un certain nombre d’investissements. Et puis cela paraît cohérent avec l’objectif premier de la Russie : revenir dans le jeu…

La Russie espère-t-elle bénéficier d’un retour sur image ?

La Coupe du monde est une manière positive de briller sur la scène internationale, à travers le jeu qu’est le football. C’est un moyen de donner une image positive. Il s’agit bien sûr d’une opération de communication telle que l’Afrique du Sud a pu en réaliser en 2010.

Le fort taux de corruption de la Russie aura-t-il une incidence ?

L’indice de perception de la corruption selon l’ONG Transparency International, est catastrophique en Russie. Il s’élève à 2,1 lorsque la moyenne mondiale est à 5. La Russie est classée 154e sur 178 pays notés. La gestion des investissements, des infrastructures se pose bien évidemment. Et comment les réseaux criminels pourraient être tentés d’en profiter ? La question est déjà à l’ordre du jour à plus courte échéance avec l’organisation des Jeux olympiques de Sotchi, en 2014.

La presse russe se félicite de la victoire mais s’inquiète du coût d’un tel événement. La Russie vous semble-t-elle capable de supporter l’économie d’un Mondial ?

Avant 2008, la question n’avait même pas lieu d’être. Depuis, la situation économique est plus contrastée. Mais des fonds stratégiques ont été mis de côté et pourront servir en cas de problème. On peut se demander plutôt comment seront répartis les bénéfices et les pertes. Cela risque d’être assez classique, avec une mutualisation des coûts sur le peuple et une captation des bénéfices par des réseaux mafieux, par le clan Poutine ou par une étrange connexion entre les deux. L’énorme gâteau en jeu risque d’aiguiser les appétits.