Le couple franco-allemand est-il solide ? C’est ce que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel tentent de nous faire croire. Pourtant, leur rencontre hier sur "France 2" a prouvé le contraire à Maxime Pinard, chercheur à l’IRIS, qui ne croit pas du tout en cette factice union.
Depuis quelques jours, les communicants de l’Elysée et de l’UMP multipliaient les qualificatifs élogieux pour caractériser la rencontre de lundi 6 février entre le Président Sarkozy et la Chancelière Merkel. On était par conséquent en droit de s’attendre à une "rencontre au sommet", le tout devant être imprimé dans le marbre avec l’interview réalisée par "France 2" et la "ZDF".
Pourtant, au-delà des tentatives non dissimulées des protagonistes de cette scène de théâtre burlesque d’en faire un instant politique fort, force est de constater que la journée du lundi 6 février 2012 aura démontré la fragilité du couple franco-allemand.
L’histoire de ce dernier est tumultueuse mais puissante : les concessions mutuelles consenties aussi bien sous Charles de Gaulle et Konrad Adenauer que sous François Mitterrand et Helmut Kohl ont permis au couple franco-allemand d’être à la fois le pivot et le moteur de la construction européenne.
Le couple "Merkozy", comme certains le nomment, n’a cependant jamais fonctionné réellement et ce, pour deux raisons fondamentales : les deux dirigeants ont des caractères et des conceptions de l’action politique radicalement opposées mais surtout, le décrochage de la France en matière de compétitivité économique par rapport à l’Allemagne a créé un prisme déformant en matière de coopération entre les deux États. Il suffit d’observer les déclarations incessantes du président français au sujet de l’Allemagne pour comprendre que cette rivalité l’obsède.
De même qu’il est surprenant de voir les politiques français se référer constamment à la situation de l’Allemagne pour justifier de la qualité de leurs programmes ou bien pour s’attaquer à leurs adversaires. Rappelons une réalité toute simple : la France est la France et l’Allemagne est l’Allemagne.
Cela ne doit pas empêcher, comme l’a rappelé le président Sarkozy hier dans l’interview, de s’inspirer des programmes qui ont réussi de l’autre côté du Rhin, tout en n’oubliant pas la spécificité de chaque état. Il semble en effet peu probable qu’avec le contexte de crise actuelle, l’Allemagne se décide à mettre en place une politique familiale aussi conséquente que celle en France. De la même façon qu’il serait compliqué, voire impossible, pour le gouvernement français de s’aligner sur le modèle allemand concernant les coûts salariaux.
Le vrai problème de la journée d’hier est que l’on ne comprend pas au final sa dimension : intérieure avec l’homologue allemand apportant son soutien à un éventuel candidat à la présidentielle (s’agit-il d’une aide à gagner ou à perdre ?) ou extérieure (européenne) avec le désir d’afficher l’unité du couple franco-allemand face à la crise.
Il est vrai que les deux dirigeants n’ont pas été aidés par les journalistes interviewers et en particulier David Pujadas qui a mélangé sans cesse les questions de politique purement interne avec des thématiques ayant trait au devenir de l’Europe. Soulignons au passage la qualité des questions de l’interviewer allemand, très incisif et mettant le président français dans l’embarras à plusieurs reprises.
Toutefois, on peut déplorer, et ceci constitue sans aucun doute le talon d’Achille de l’Europe aujourd’hui, l’absence de vision et d’ambition politique des deux dirigeants au niveau européen. Ils sont plus dans la réaction que dans l’anticipation, alors que la crise pourrait se résorber si l’on se fixait des objectifs ambitieux sur le long terme.
Lorsque le cas de la Grèce a été abordé, outre l’absence d’arguments du président Sarkozy pour expliquer pourquoi la Grèce ne serait pas en faillite prochainement, nous avons été les témoins d’une image assez inquiétante : les deux grandes puissances européennes sont dans l’impasse et dans l’expectative.
L’émission aura cependant eu le mérite de comprendre la conception de l’Europe par le président Sarkozy. En effet, lorsque la question des transferts de souveraineté a été abordée, le président a botté en touche, précisant que, pour lui, l’Europe était avant tout une association d’États et qu’il n’entendait pas que la souveraineté de la France soit amputée au profit "d’une organisation de technocrates" (la Commission appréciera !).
Une étude des vies politique et législative française et européenne démontrerait aisément l’absurdité de son discours (l’Europe fonctionne déjà avec des transferts de souveraineté conséquents mais insuffisants), qui s’adressait avant tout à la frange souverainiste de la droite française.
Pourtant, seule une coordination des politiques des Etats membres de l’Union européenne avec un renforcement des pouvoirs des instances européennes (moyennant plus de démocratie direct au niveau européen) permettrait au "vieux continent" de se sortir renforcé de la crise.