• Interview de [Karim Pakzad->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=pakzad], chercheur associé à l’IRIS, par Bérénice Dubuc

Pour Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Afghanistan, le retrait des soldats américains sera synonyme de seconde guerre civile…

Ils sont sur le départ. Le président américain Barack Obama a annoncé mercredi soir le retrait de 10.000 soldats d’Afghanistan d’ici à la fin de l’année et de 23.000 d’ici à la fin de l’été 2012. De son côté, la France, qui opère en Afghanistan depuis 2001, engagera un retrait progressif de ses quelque 4.000 soldats de manière proportionnelle et dans un calendrier comparable à celui des Américains. Quelles vont être les conséquences de ce retrait sur le terrain? 20 Minutes fait le point avec Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), spécialiste de l’Afghanistan.

Quelle est la situation actuellement en Afghanistan?

Les talibans sont à nouveau puissants dans le pays, alors qu’en face, le gouvernement Karzaï est faible. Même s’il affirme qu’il est prêt à reprendre le contrôle, c’est faux. Rien ne vient démontrer que le gouvernement est fort, crédible, en termes de gouvernance, de lutte contre la corruption, de maintien de l’ordre et de la sécurité…

Et, jour après jour, les talibans et l’insécurité se renforcent: il y a de plus en plus d’attentats, d’assassinats. Même l’armée afghane est infiltrée par les talibans: l’attentat-suicide sur la base aérienne de Kaboul où huit soldats américains sont morts en avril dernier, était par exemple l’œuvre d’un soldat afghan.Une fois que les soldats de l’Alliance seront partis, il ne faudra que trois semaines aux talibans pour reprendre Kaboul. Et ce sera le début d’une seconde guerre civile.

Rien n’est donc réglé, à un an du retrait total des Américains?

Non. Depuis environ un an, la situation en Afghanistan va de mal en pis: l’engagement de la coalition internationale, tant sur le plan militaire que politique est dans l’impasse. Après l’échec de la solution militaire, Obama a décidé de jouer l’option politique, mais pour cela, il fallait amener les talibans à la table des négociations, ce que ces derniers se refusaient à faire: ils considèrent que le gouvernement Karzaï est illégitime et exigeaient d’abord le retrait total de la coalition du pays pour entamer les négociations.

Barack Obama a donc décidé d’envoyer un renfort de 30.000 soldats pour porter un coup aux talibans dans les provinces du sud, pour les obliger à s’asseoir à la table des négociations. Ils ont bien obtenu quelques succès, mais ces victoires sont fragiles: les talibans, qui fonctionnent en guérilla, ont toujours abandonné leurs positions en cas d’offensive. Obama sait parfaitement que, dès que les troupes américaines seront parties, les talibans vont revenir.

Il n’y a donc pas de solution?

Les Etats-Unis ont entamé le processus de retrait, mais n’ont pas les moyens politiques de rendre un pays pacifié. Je ne suis pas optimiste: il n’y aura pas de solution rapide. Je n’en vois pas d’ici à la fin 2014. Une des clés du problème se trouve au Pakistan voisin. Si les Etats-Unis réussissent à convaincre le Pakistan de faire pression sur les talibans afghans pour qu’ils participent au dialogue politique, il y a plus de chances que cela aboutisse. Mais le Pakistan mettra sans doute dans la balance des questions économiques, commerciales, et même sur le nucléaire civile. Choses que les Etats-Unis ne semblent pas prêts à accepter.