Un rapport de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), présenté ce mardi matin au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), analyse le développement de la corruption liée aux paris sportifs.
Dans un contexte où les scandales de corruption liés aux paris sportifs se multiplient dans l’espace européen, le livre blanc rédigé par l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) en collaboration avec l’université de Salford, le cabinet Praxes et le China Center for Lottery Studies – «Paris sportifs et corruption. Comment préserver l’intégrité du sport?» – étudie les modes opératoires utilisés par des organisations criminelles pour truquer des rencontres sportives.
«Face à la menace grandissante que font peser des organisations criminelles qui manipulent des matchs aux fins de s’enrichir et de blanchir de l’argent sale par l’intermédiaire des systèmes de paris sportifs en ligne», les fédérations sportives s’inquiètent des conséquences économiques (au niveau de la billetterie, du sponsoring et des droits TV) qu’engendrerait un discrédit généralisé de leur discipline auprès du public. Réputés trop corrompus, certains championnats de football asiatiques et est-européens ont ainsi perdu de leur popularité.
La perspective de profits plus élevés pousse désormais les mafias de ces pays à manipuler des matchs des grandes ligues européennes qui concentrent l’intérêt des parieurs, y compris asiatiques. L’implication de réseaux criminels albanais dans des affaires de paris truqués en Italie ou de la mafia croate en Allemagne éclaire sur ce phénomène transnational menaçant l’intégrité des compétitions sportives. «À terme, la mort du sport est programmée si les autorités sportives et publiques ne se mobilisent pas pour lutter contre la fraude», préviennent les auteurs du rapport, présenté ce mardi matin au Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Le marché mondialisé des paris sportifs, qui génère 200 milliards d’euros de mises par an, aiguise d’autant plus la cupidité des corrupteurs que l’absence d’harmonisation des législations nationales et le manque de coopération entre les autorités publiques étatiques, rendent le mouvement sportif vulnérable à leurs approches directes ou indirectes. Les auteurs du livre blanc s’appuient sur différentes affaires de corruption pour dresser «une typologie globale du phénomène». Pour les auteurs, «les nouveautés technologiques inhérentes au secteur des paris sportifs ont contribué au développement de trucages plus subtils». Avec, notamment certains types ou formules de paris: sur les détails d’un match (joueur qui marquera le prochain but, aura le prochain carton jaune, nombre de cartons, etc. ), le live betting (qui démultiplie les possibilités de paris et complexifie le contrôle) ou le betting exchange (parier sur une non-réalisation).
L’interaction entre les fragilités intrinsèques des acteurs du monde sportif (paupérisation de certaines ligues européennes ; avidité de certains dirigeants, joueurs ou impresarios ; zones géographiques où la corruption est endémique) et le développement d’un marché mondial des paris sportifs, dématérialisé via Internet, ne permet pas aux régulateurs territoriaux (fédérations sportives, opérateurs légaux et autorités publiques) de trouver des parades efficientes. Le décloisonnement des sites de paris européens et asiatiques (qui représentent la partie immergée d’un réseau pyramidal de paris illégaux drainant des mises colossales) créé ainsi un «marché gris» d’autant plus propice à remettre en cause «la glorieuse incertitude du sport» que «la corruption sportive constitue une activité lucrative à faible risque par rapport à d’autres activités criminelles qui concentrent l’attention des pouvoirs publics, et qui sont passibles de lourdes peines pénales».
Ce constat alarmant conduit les auteurs à souligner la nécessité d’une action coordonnée entre le mouvement sportif, les opérateurs de paris et les pouvoirs publics. Avec notamment l’accent donné sur le besoin de coordination policière et sur la création d’un délit de fraude sportive harmonisé. Le Parlement européen propose ainsi que la fraude sportive fasse l’objet d’une définition commune au niveau européen et soit intégrée dans les législations des États membres. À cet égard, la Commission européenne mène actuellement une étude sur le traitement juridique et pénal de ce problème. De leurs côtés, le Conseil de l’Europe se penche sur la faisabilité d’une convention internationale alors que la France vient d’adopter une proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport, notamment «en donnant la possibilité aux fédérations d’accéder aux données de jeu, via l’Arjel, afin de vérifier que les acteurs de la compétition n’ont pas participé aux opérations de paris ».
Selon les auteurs du livre blanc, ce nécessaire processus d’intégration au niveau des pouvoirs publics doit se doubler d’une mutualisation des outils de monitoring (les systèmes d’alerte sur le marché des paris sportifs). Avec comme corollaire, la mise en place d’un système où les informations les plus utiles pour la traque des manipulateurs (analyse des tendances géographiques, volume des mises rapportée au nombre de parieurs engagés, identité de ces derniers) puissent être centralisées auprès d’une agence régulatrice facilitant «une concertation entre États». Pour lutter efficacement contre la corruption sportive liée aux paris, les auteurs recommandent, entre autres, «la création d’un observatoire de la corruption sportive commun à tous les sports» et «la création d’une structure permanente intergouvernementale de suivi de l’offre et la demande de paris sportifs sur Internet.»