Malgré la sauvage répression des mouvements de contestation, la communauté internationale ne réagit que timidement contre la Syrie. En condamnant mardi des violences «inacceptables», le président français Nicolas Sarkozy a notamment affirmé que rien ne se ferait sans une résolution de l’ONU «pas si facile à obtenir». Il y a un mois, Hillary Clinton assurait, elle, que les Etats-Unis ne comptaient pas intervenir en Syrie, car personne ne savait «ce qui se passerait, ce que cela déclencherait».Malgré son autoritarisme, le gouvernement de Bachar el-Assad joue en effet un rôle majeur dans l’équilibre géopolitique de la région, explique Didier Billion, directeur des publications à l’Institut de relations internationales et stratégiques de Paris, et spécialiste du Moyen-Orient. Interview.
Les grandes puissances sont très gênées par rapport à la répression actuelle. Car la Syrie occupe une position géographique et surtout géostratégique centrale au Moyen-Orient. Allié de l’Iran, proche du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, Damas pourrait déstabiliser la région et mettre en difficulté Israël. Or, la protection de l’Etat hébreu est un des fondamentaux de la politique extérieure des Etats-Unis.
C’est un élément majeur. Mais ce n’est pas le seul. La diplomatie occupe également une place importante. Notamment la volonté occidentale de briser l’axe Damas-Téhéran. Une alliance qui dure depuis plus de trente?ans.
La France a joué un rôle essentiel ces dernières années dans cette tentative de réintégrer la Syrie au jeu régional, après que Damas a été ostracisé suite aux accusations sur sa responsabilité dans l’assassinat de l’ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, en 2005. Nicolas Sarkozy a notamment reçu Bachar el-Assad sur les Champs-Elysées en juillet 2008. Mais ceci, avec l’accord des Etats-Unis, qui avaient pourtant placé Damas dans «l’axe du mal» sous la présidence de George W. Bush. La seconde grande crainte en cas de sanctions contre Damas, est donc que la Syrie renforce plus encore son alliance avec l’Iran.
Pas vraiment. Contrairement à la Libye, la Syrie ne possède pas vraiment de grandes réserves de pétrole. Elle n’est même pas autosuffisante en la matière. Son économie ne se porte pas si mal – Damas est un partenaire important d’Ankara, ce qui met d’ailleurs la Turquie dans une position délicate actuellement – mais la réelle importance de la Syrie est bien géostratégique. Le père de Bachar, Hafez el-Assad, était un tyran sanguinaire, mais aussi un brillant stratège. Il a réussi à faire de son pays un acteur incontournable pour la stabilité, ou l’instabilité, de toute la région.
L’aspect confessionnel est instrumentalisé, comme souvent, mais le jeu régional reste avant tout politique. Le régime syrien, qui est alaouite – une minorité religieuse qui ne représente que 10% de la population mais qui contrôle tous les rouages de l’Etat – joue sur cet aspect. Il utilise le discours sur la peur des minorités «menacées» par la majorité sunnite pour tisser ses alliances. Avec les chrétiens en interne, eux aussi minoritaires, ou avec les chiites dans les pays voisins.
Il n’empêche que l’Arabie Saoudite et certains éléments de la puissante famille Hariri s’activent visiblement à jeter de l’huile sur le feu de la contestation en Syrie, afin d’aider à déstabiliser le régime alaouite.