Rien. Bien sûr, c’est un événement historique gravé à jamais dans nos mémoires. Mais il n’a pas pour autant mis fin à un monde établi, comme l’avait fait la chute du Mur de Berlin en mettant terme à la bipolarité Etats-Unis-Russie en 1989. Et aucun monde nouveau n’est né le 11 septembre 2001.
Sur ce sujet, on confond le choc émotionnel, énorme, engendré par l’événement et son impact structurel sur les relations internationales. Celles-ci sont faites de rapports de forces entre les nations. Or ces rapports n’ont pas été modifiés par le 11-Septembre. Certes, les Etats-Unis ont été gravement touchés. Mais ils n’ont pas été affaiblis structurellement par rapport aux autres puissances comme la Chine, la Russie, le Japon, la France ou les pays émergents. Et ces dernières n’ont pas profité de la situation.
Certes, il y a en effet eu la guerre d’Irak, erreur monstrueuse. Mais ce n’était pas le seul choix possible pour Bush. Il a alors malheureusement choisi l’option de la manière forte proposée par les néo-conservateurs. Ceux-ci souhaitaient envahir l’Irak dès 1998-1999. Le 11-Septembre leur a servi de prétexte et d’effet d’aubaine pour mettre leur plan à exécution. Or, au final, cette guerre, et plus globalement la politique suivie par Bush après le 11-Septembre, a contribué à l’affaiblissement des Etats-Unis. Et ce malgré l’augmentation de leurs dépenses militaires. En 2001, elles représentaient 37% des dépenses militaires mondiales, contre 50% aujourd’hui.
Non. Les attentats ont vraiment donné l’occasion aux néo-conservateurs de faire prévaloir leur point de vue. Et celui-ci s’est imposé auprès de l’administration et de George W. Bush, qui n’a pas retenu la solution plus neutre proposée par Colin Powell (ndlr : son ministre des Affaires étrangères).
Plus globalement, le 11-Septembre a créé un choc psychologique dans le monde occidental et stigmatisé l’islam. La "guerre contre le terrorisme" et la théorie du choc des civilisations ont alors prospéré. Le débat a eu lieu dans plusieurs pays, dont la France. Heureusement, aujourd’hui, après la mort d’Oussama ben Laden et le printemps arabe, la parenthèse est refermée. Cela permet une réflexion plus poussée sur l’islam, qui efface les vents mauvais des dernières années.
Votre question soulève un débat de fond. Pour ma part, j’estime que la politique de Bush est venue glacer les avancées réformatrices qu’auraient pu développer les régimes arabes. Certains dictateurs se retranchaient justement derrière la "lutte contre le terrorisme" prônée par la Maison-Blanche pour bloquer toute réforme et se présenter comme les derniers "remparts" contre l’islamisme. Les néo-conservateurs ont donc de fait retardé l’éclosion du printemps arabe. Après la guerre d’Irak, les révolutions de 2011 signent leur seconde mort.
Le pays avait déjà des problèmes avec l’Inde depuis la création des deux pays en 1947 et avec l’Afghanistan depuis le coup d’Etat pro-soviétique de 1978. Les problèmes du Pakistan d’aujourd’hui ne sont donc qu’un sous-produit du 11-Septembre. Plus globalement, le sort du Pakistan est bien sûr important régionalement. Mais il ne change pas structurellement la situation de l’ordre international.