Olivier Guillard, directeur de recherches Asie à l’IRIS, décrypte l’attitude du gouvernement vis-à-vis de Google, Skype et Blackberry…
Après les attentats de Bombay à la fin 2008, les autorités indiennes se sont faites montrer du doigt par les opposants politiques et par les citoyens, qui estimaient que les différentes menaces auxquelles le pays était confronté n’avaient pas été traitées assez sérieusement. Le gouvernement s’est senti obligé de renforcer la surveillance, il s’est dit qu’il avait négligé l’exposition à ces menaces, et a fait le choix d’une politique plus sécuritaire, plus rigide que par le passé.
L’ensemble des grandes agglomérations indiennes a été confronté à des attentats ces dernières années, que ce soit Bénarès, Bombay, Delhi… Sans compter le déficit de confiance avec le Pakistan. L’Inde est en permanence confrontée à des défis intérieurs. Dans 20 de ses 28 états, il y a par exemple une présence maoïste parfois outrageusement dominante par rapport aux autorités, qui est menaçante, et dont on n’entend jamais parler. La semaine dernière, les maoïstes ont encore pris en otage un train entier. Un train en Inde, ce n’est pas 50 personnes, ce sont des centaines.
Il fallait montrer au Pakistan, avec qui il y a toujours des tensions, que le pays était capable de se montrer ferme. Et parce que l’Inde moderne veut se positionner en puissance, pas seulement économique mais aussi politique, il fallait envoyer à la communauté internationale l’image d’un pays capable de prendre des décisions vigoureuses. Cette volonté de renforcer la surveillance se fait aussi dans la foulée des décisions des Chinois, qui ne veulent pas laisser Google totalement libre. L’Inde, sans le dire, s’inspire de ce que font les Chinois, observe avec gourmandise leur succès, et essaie de regarder la façon dont ils se comportent. En voyant que la Chine prend du poids sur la question des libertés sur Internet, il y a sans doute un peu de mimétisme.
L’Inde est tout sauf une démocratie exemplaire. Depuis le premier jour de son existence, en 1947, elle n’a jamais connu de rupture démocratique, pas de coup d’Etat: ce n’est pas le Paksitan! Elle est aussi dotée d’un régime parlementaire classique, et qui fonctionne. En revanche, si les gens votent, ça ne veut pas dire qu’ils le font en connaissance de cause ou qu’on ne leur force pas la main. Et la société est encore très féodale, et parcourue par une discrimination immense