Le droit international est par définition imparfait. Il n’y a pas de gouvernement international, ni de juge international ayant un réel pouvoir d’exécuter les peines. Il n’y a pas non plus de police internationale ayant une force exécutive. Société internationale et société nationale ne sont donc en ce sens pas comparables. Vous violez le droit national, vous êtes jugé et sanctionné. Vous violez le droit international, vous avez simplement un dommage réputationnel, un problème d’image. Le droit international existe, mais il est moins efficace que les droits nationaux.

Lorsque le droit international est violé, les sanctions ne sont pas le fruit d’un ordonnancement juridique, mais d’un rapport de force. Il peut atteindre les États faibles, pas les grandes puissances et leurs protégés. Les nations occidentales peuvent se mettre d’accord pour sanctionner la Russie, pour avoir annexé la Crimée. Mais Moscou continue de disposer de la Crimée alors que pratiquement aucun État n’a reconnu cette annexion.

En revanche, les mêmes pays occidentaux ne se sont jamais mis d’accord pour sanctionner Israël, pour avoir annexé Jérusalem-Est. La résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, du 22 novembre 1967, qui juge illégale l’acquisition de territoires par la force par Israël, n’a jamais suscité d’effets pratiques. Que faudrait-il pour que le droit international – c’est-à-dire la création d’un État palestinien et la fin de l’occupation israélienne sur les territoires conquis en 1967 – s’applique au Proche-Orient, en l’absence d’un gouvernement international ou d’une police internationale qui pourrait faire exécuter par la force ces résolutions ?

Cela dépend de la volonté d’Israël, donc du rapport de force établi. Il faudrait qu’Israël soit persuadé qu’il a plus à perdre qu’à gagner à ne pas respecter la loi internationale. Force est de constater que, pour le moment, Israël n’a subi aucune sanction pour son non-respect de la loi. Et que, si cette annexion par la force n’est pas reconnue, elle ne suscite aucun désagrément réel, pour la puissance occupante.

Au début des années 2000, l’Union européenne a réfléchi à mettre en cause l’accord d’association avec Israël si Tel-Aviv ne modifiait pas sa politique à l’égard des Palestiniens. Mais les pays européens sont divisés sur cette question. L’Allemagne ne veut en rien s’opposer à Israël, du fait du souvenir historique de la Shoah, quand d’autres pays s’alignent sur la politique des États-Unis.

La protection d’Israël, notamment au Conseil de sécurité des Nations unies, fait partie de l’ADN de la diplomatie américaine. Washington oppose systématiquement son veto lorsqu’une résolution tente de faire respecter le droit international. Protégé dans son impunité par la première puissance mondiale, Israël n’est en rien incité à respecter la loi internationale.

Ce qui change dans le rapport de force, c’est le poids des opinions publiques. Et les pays occidentaux commencent à réaliser que leur défense inconditionnelle d’Israël n’est pas sans conséquences sur la façon dont leurs politiques sont perçues dans le reste du monde.

 

Publié par L’Humanité.