Pourquoi la société israélienne est-elle aussi fragmentée ?
Beaucoup de facteurs s’entrechoquent et se complètent. Les compositions sociologiques ont des incidences politiques comme
la forte proportion de Juifs venant de Russie et d’Ukraine depuis trente ans qui n’ont pas la même perception de la question palestinienne que ceux issus de gens présents dès la création d’Israël. En termes démographiques, il existe un différentiel important entre les familles laïques, qui sont comparables aux familles d’Occident, et les familles juives orthodoxes où le taux de fécondité est de 6 à 7. Or, cette population est contre la création d’un État palestinien. On constate au final une baisse d’intensité de la question palestinienne. Et le processus de colonisation s’étend dans tous les territoires comme un véritable cancer.
Y a-t-il une dérive sociétale vers l’extrême droite ?
Le glissement se voit presque à l’œil nu. Entre Tel-Aviv et sa société très occidentalisée, celle des startup, et la religieuse Jérusalem, il y a un monde, une autre ambiance qui crée une sorte de fracture culturelle. Le camp de la paix est devenu minoritaire. L’extrême droite suprémaciste s’affirme, prônant la colonisation à outrance voire l’annexion de la Cisjordanie. Un ministre important du gouvernement Netanyahu, M. Smotrich, prétend que “le peuple palestinien n’existe pas”. Tout cela est très inquiétant et Benjamin Netanyahu, qui a des intérêts personnels à réformer la justice, semble comme pris au piège par ses éléments les plus radicaux. Si une partie de la société israélienne glisse à droite, voire à l’extrême droite, le contrepoint est venu de la rue.
La vague de protestations contre la réforme judiciaire est-elle historique ?
Elle est inédite dans son ampleur et renvoie aux problèmes fondamentaux d’Israël qui a la spécificité de ne pas avoir de Constitution mais des lois fondamentales qui permettent toutes les dérives malgré le feu contenu par la Cour suprême. C’est une étape réelle. L’ampleur des manifestations
ces derniers mois démontre un mouvement de fond de la société.
Pourquoi les violences ne cessent d’augmenter entre colons et Palestiniens ?
La violence est récurrente et augmente depuis deux ans et l’extrême droite mobilise. On compte au sein du gouvernement parmi les représentants les plus radicaux des colons. Ce mouvement de colonies est un des défis centraux d’Israël car il entretient un lieu de confrontation directe avec les Palestiniens qui n ’ont pas de perspective avec une Autorité largement démonétisée. Tout cela provoque des tensions extrêmement fortes au sein de la société israélienne.