Quelles sont les dernières nouvelles qui vous parviennent de vos équipes qui travaillent dans la bande de Gaza ?

Elles sont à l’image des inquiétudes de nos collègues des Nations unies. La majorité de nos équipes sont en difficulté pour travailler, cherchent à manger et à boire à longueur de journée. Elles sont pour la plupart concentrées dans le sud de la bande de Gaza où vous avez 90% de la population qui a été déplacée à plusieurs reprises. La situation est particulièrement difficile parce qu’il y a des bombardements qui sont intenses, notamment entre Khan Younès et Rafah, dans le Sud, et qui font qu’il n’y a toujours aucun endroit sécurisé. Le travail humanitaire est compliqué. Les hôpitaux restent potentiellement des cibles. Ils sont souvent des mouroirs avec des problèmes de réapprovisionnement en médicaments. La situation reste tendue. Et l’aide rentre au compte-goutte.

Que manque-t-il à Gaza ?

Il y a, selon les endroits où vous trouvez à Gaza, plus ou moins de difficultés à accéder à une aide qui est déjà insuffisante. L’aide rentre par Rafah, par Kerem Shalom, dans des conditions où tout le monde ne peut pas se nourrir à sa faim. Les personnes, dans le Sud, dorment sous des bâches en plastique, passent plusieurs heures à chercher à manger et à boire. Et le nord ou le centre de la bande de Gaza sont très peu approvisionnés. Il est documenté des poches de famine dans différents endroits de Gaza, ce qui n’est pas le cas de tout le territoire. Mais tous les indicateurs sont dans le rouge sur l’accès à l’eau, à la nourriture et l’accès aux soins. Il faut repréciser qu’on a plus de 60 000 blessés, des chiffres qui sont probablement sous-estimés. C’est beaucoup de femmes, d’enfants, des blessures très importantes, des membres écrasés, des brûlures avec beaucoup d’infections, parce que depuis trois mois les antibiotiques sont insuffisants. C’est au moins 23 000 morts, dont 12 000 enfants, dans une situation où les bombardements restent indiscriminés. Un lieu de stockage de nos collègues MSF a été attaqué aujourd’hui, avec un décès d’un membre du staff.

Les Nations unies ont perdu une centaine personnes. Nous avons perdu aussi, il y a plusieurs jours, un médecin. Donc l’aide dans ces conditions est difficile à apporter. Vous avez des États qui, comme la France, les États-Unis, mettent en avant une sémantique humanitaire. Ils ont fait quelques actions, soit par largage, soit en prenant en charge quelques blessés côté égyptien, essentiellement à cause des bombardements indiscriminés et du blocus qui ne permet pas à l’aide de rentrer massivement. On attend des gestes diplomatiques beaucoup plus forts de la part des Européens et des Américains qui peuvent encore influencer cette stratégie très mortifère de l’armée israélienne sur les civils palestiniens.

L’intensité des bombardements, est-ce qu’elle a diminué ?

Non. Tous les jours, on a des contacts avec nos équipes. Et ils nous ont encore dit qu’hier soir, les bombardements sur Khan Younès étaient très importants et que cela avait un fort impact sur la capacité de pouvoir, au quotidien, se déplacer, travailler. L’espace humanitaire des acteurs humanitaires est de plus en plus contraint. Il est exclusivement pratiquement concentré dans le sud de la bande de Gaza, dans quelques centres hospitaliers qui sont fonctionnels. Et il faut le dire aussi, ce sont des centaines de morts en Cisjordanie, où la situation à Tulkarem, à Naplouse, s’est largement détériorée, où il est difficile de pouvoir renouveler des visas pour les équipes expatriées.

Il y a eu le 22 décembre au Conseil de sécurité un vote pour faire entrer plus d’aide sur le terrain, notamment à Gaza. Sur le terrain, concrètement, on ne voit pas massivement une aide rentrer. Donc aujourd’hui, un cessez-le-feu, c’est nécessaire pour sauver des vies. C’est nécessaire pour qu’une aide plus proportionnée rentre.

Propos recueillis pour Franceinfo.