La tendance s’est effectivement confirmée lors des élections législatives finlandaises du 17 avril, qui ont vu les « Vrais Finnois », un parti populiste eurosceptique et xénophobe, remporter 18 % des voix. C’est un cas d’école, montrant à quel point la nature des droites radicales a changé : comme l’Union démocratique du centre (UDC) suisse, le Parti de la liberté du néerlandais Geert Wilders ou le Parti du peuple danois, cette formation finlandaise est hostile au multiculturalisme et à l’immigration, opposée au principe même d’une Europe supranationale, se donnant comme une alternative globale aux élites et aux partis traditionnels. Comme Wilders ou le Parti du progrès en Norvège, les Vrais Finnois sont favorables à l’intervention de l’état dans l’économie et le social, ce qu’on retrouve dans le nouveau cours imprimé au Front national (FN) par Marine Le Pen.
La diversité est plus grande sur les questions dites « de société » : les Vrais Finnois sont ultraconservateurs alors que Geert Wilders, comme naguère Pim Fortuyn, concentre ses attaques sur l’islam au nom de valeurs traditionnellement associées aux combats de la gauche : liberté des moeurs ; égalité des sexes ; laïcité.
Les raisons de ces succès électoraux sont différentes selon les pays et les contextes politiques. Cependant des éléments communs sont identifiables : le rejet d’une société devenue, dans les faits, plurireligieuse et pluriculturelle ; le sentiment que les élites sont coupées de l’électorat ; la crainte des bouleversements induits par la mondialisation et d’un monde devenu moins « lisible » avec la fin des grandes idéologies mobilisatrices ou la fin de la division Est-Ouest.
Le FN dirigé par Marine Le Pen a compris qu’il devait abandonner toute alliance avec des formations d’extrême droite qui présentent un caractère de repoussoir. Son problème est de trouver des alliés qui acceptent de s’afficher avec lui. L’inflexion anti-islam du discours mariniste pousserait au rapprochement avec Wilders et l’UDC, mais ces deux partis gardent leurs distances avec Le Pen. L’attitude de la Ligue du Nord est ambiguë : Marine Le Pen est allée à Lampedusa en compagnie d’un de ses eurodéputés, Mario Borghezio, mais c’est un ministre de l’Intérieur leghiste, Roberto Maroni, qui a délivré les permis de séjour aux immigrés tunisiens cherchant à gagner la France depuis Vintimille. Quant au parti de Gianfranco Fini, il s’est prononcé clairement contre Marine Le Pen. Le FN me semble donc avoir regardé ce qui se passe en Suisse ou en Hollande sans pour autant tenter de reproduire un modèle. Il est en effet confronté à une nécessité qui ne s’impose ni à Wilders ni à Blocher : donner l’impression de rompre avec une filiation intellectuelle qui est proprement d’extrême droite.
Cette activité est quasi nulle, l’Alliance européenne des mouvements nationaux, dirigée par Bruno Gollnisch, étant en sommeil. Siégeant comme non-inscrits, les députés du FN, du Vlaams Belang ou du BNP britannique sont marginalisés.
Au sein du groupe « Europe de la Liberté et de la démocratie » se retrouvent en revanche Philippe de Villiers, la Ligue du Nord, les Vrais Finnois, le LAOS grec, le Parti danois du peuple, les ultranationalistes slovaques et les eurosceptiques anglais de UKIP. Le centre de gravité de la droite « dure » est là.
Avec 17 % des voix, Jobbik est une force politique importante qui, effectivement, ne correspond pas au profil des formations avec lesquelles Marine Le Pen veut s’allier. En particulier, on signalera son antisémitisme assumé, son racisme anti Roms fait de violences physiques à répétition, sa curieuse fascination pour les racines de l’identité nationale dans le pantouranisme 1, autrement dit dans une idéologie proche de l’ethnicisme nationaliste turc.