De nombreux commentateurs ont dépeint les élections partielles qui auront lieu ce mardi aux Etats-Unis -appelées élections « de mi-mandat » ou « midterms » car elles interviennent au milieu des quatre années de la fonction présidentielle- comme un referendum sur Barack Obama. La réalité est plus subtile.
Les midterms représentent plutôt un referendum sur l’espoir de changement porté par Barack Obama en 2008, sur « Hope » et sur « Yes We Can ».
Barack Obama arrive à la présidence en janvier 2009 sans expérience du pouvoir et sans réseaux à Washington : il est contraint de se replier sur sa vision et son charisme.
La vision est courageuse et lucide : le pays est confronté non seulement à la plus grave crise économique et financière depuis près d’un siècle, mais aussi à un déclin réel dû au sous-investissement systématique en éducation, en énergie, en infrastructures et, surtout, en idées politiques rassembleuses. Obama cherche par conséquent à s’attaquer aux restructurations de fond en même temps qu’à la crise conjoncturelle.
Pour vendre sa vision, Obama doit s’appuyer sur son charisme : une fois le plan de relance adopté, il essaie de faire voter des réformes structurelles. Mais aux Etats-Unis, la Constitution octroie au Congrès l’élaboration de la politique interieure ; et les parlementaires, qui souvent passent des décennies à Washington alors que le président est limité à deux mandats, le voient venir de loin.
La réforme de la santé traîne dangereusement avant d’être adoptée à la satisfaction des entreprises pharmaceutiques et des compagnies d’assurance. La réforme financière fera le minimum pour répondre au mécontentement du public et circonscrire un Wall Street somme toute assez peu châtié.
Obama trouve vite les limites de sa vision et de son charisme. Dès lors prend fin l’espoir du « Change We Can Believe In ». Comment un tel retournement est-il possible en l’espace de deux courtes années ?
L’histoire moderne des États-Unis commence le 11 septembre 2001. Les attaques terroristes à New York et à Washington ont porté durablement atteinte à la confiance des Américains. Depuis lors, et surtout depuis la crise financière de 2008, les actualités télévisées, les programmes radio, les titres des journaux populaires tels que USA Today déroulent une succession de mauvaises nouvelles – qui ne s’améliorent pas avec des niveaux « européens » de chômage et de croissance.
Placé dans ce contexte, Barack Obama ne représente pas un phénomène réellement nouveau, mais une autre tentative, après celle de George W. Bush, de réponse à la blessure dans l’âme dont souffre l’Amérique. Bush a savamment privilégié le côté «far west» ; si Obama est accusé d’être musulman ou un étranger anti-américain, c’est que dans un pays où « l’idée de l’Amérique » a une valeur presque religieuse, la remise en cause devient vite l’hérésie et la réforme flirte avec le sacrilège.
Mais le mouvement de la « Tea Party » n’a rien non plus de nouveau : ces Blancs de la classe ouvrière, dégoûtés par le dédain des élites à leur égard, sont les héritiers directs des rustres qui firent la « Rébellion du Whisky » dans la Pennsylvanie des années 1790.
Barack Obama a-t-il eu un impact sur la société américaine, et lequel ? Son impact, malgré lui, a été principalement de radicaliser le discours public, de polariser les Américains et de contribuer à l’impression que, quoi qu’on essaie, le système politique aux Etats-Unis est irrémédiablement en panne.
Après les midterms de ce mardi, le pays sera largement ingouvernable jusqu’aux élections présidentielles de 2012, Obama sera un « canard boîteux » [« lame duck », expression qui désigne les présidents sans pouvoir, ndlr] pour la seconde moitié de son mandat et fortement tenté de renoncer à se présenter en 2012 (car la Constitution américaine lui permettrait alors d’être candidat à nouveau plus tard).
Loin d’apporter un vent de changement, Obama a confirmé le désir de beaucoup d’Américains de revenir le plus vite possible au « business as usual ». Que le résultat du scrutin de demain soit une victoire technique pour tel parti ou telle faction, il promet une défaite de l’espoir de changement porté par Barack Obama en 2008 et la preuve que l’Amérique, elle, ne veut pas changer et ne changera pas : tout le contraire de « Hope » et de « Yes We Can ».