• Analyse de [Pascal Boniface->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=boniface], directeur de l’IRIS

Les deux camps – soldats de l’Otan et soldats afghans – devaient coopérer pour instaurer la paix, mais après plus de 10 ans de conflit, la confiance n’est plus vraiment de mise. A tel point que pour éviter un embrasement de violences, les militaires occidentaux devraient partir et vite, estime Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Le massacre réalisé par un sergent américain à Kandahar le 11 mars est bien sûr le geste d’une personne et non pas de l’institution militaire américaine. Sortir de sa base pour aller tuer au hasard 16 personnes dont 9 enfants et autant de blessés, en dehors de toute opération, est un acte particulièrement grave. Les officiels américains l’ont condamné et ont présenté leurs excuses. Mais ce geste n’est pas isolé.

Récemment, on a vu des G.I. uriner sur les corps de talibans tués au combat. L’incinération par des soldats américains du Coran avait également suscité une très forte poussée de fièvre. Ceci s’ajoute aux multiples bombardements par erreur des populations civiles qui font des morts réels.

Bien sûr que le soldat qui a commis ce crime était certainement psychologiquement dérangé. Mais comment expliquer qu’il puisse agir aussi librement ? N’y a-t-il pas une atmosphère, un discours qui peut atteindre une partie des soldats ? Quelle vision des Afghans ont les soldats américains ? Que leur a-t-on dit sur ce peuple, sur les musulmans, etc ? Dans quel bain idéologique baignent-ils ? À force de présenter les talibans comme des barbares et les Afghans comme largement complices des talibans, n’a-t-il pas été suscité un climat qui peut conduire quelqu’un a de telles extrémités ? Il y a certainement un mélange de peur, de refus des autres et de haine débouchant sur cette violence aveugle.

Un mur d’incompréhension

L’assassinat de soldats occidentaux par des militaires afghans alors qu’ils sont censés combattre ensemble montre le mur d’incompréhension qui s’est créé. De plus en plus, militaires occidentaux et militaires afghans vivent séparés. Les premiers n’ont pas de contact direct avec la population, ils vivent de façon totalement bunkerisés. Dans ces conditions, leur présence n’a plus aucune signification, ils ne pourront plus jamais retrouver la confiance de la population afghane.

Une guerre de contre-insurrection ne peut pas se gagner sans qu’il y ait des liens entre la population civile et l’armée d’occupation. Les seuls liens qui existent sont méfiance, hostilité et, de plus en plus, de la haine.

Il est désormais trop tard pour que les Occidentaux puissent renverser la vapeur. Il faut partir, de la façon la moins désorganisée, mais le plus vite possible car le nombre de bavures et de vengeances risque de se multiplier.