Quelle place est donnée à ces technologies dans les trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
Ces techniques ont été pensées pour venir compenser les émissions excédentaires, c’est-à-dire celles qu’on n’arriverait pas à diminuer en changeant de source d’énergie. L’idée était de venir capter et stocker le CO2 de secteurs aux émissions incompressibles, comme l’aluminium.
Mais ce vers quoi on semble se diriger, c’est un paradigme où le développement de ces techniques n’est pas associé à une atténuation des émissions suffisante. On vient donc se reposer beaucoup trop sur leur potentiel alors qu’elles ne sont souvent qu’à l’état de projets pilotes. Cela devient un moyen pour atteindre les objectifs climatiques en soi, et non pas une technique additionnelle pour agir sur ce qu’on n’arriverait pas à atténuer.
Il faut aussi se poser la question de comment est-ce que l’usine de captage et de stockage, procédés très énergivores, va fonctionner ? Est-ce qu’on a un gain à venir les développer ou est-ce que c’est aussi la cause d’émissions supplémentaires?
Leur fonctionnement implique aussi une augmentation des pressions mises sur l’eau (qui sert de diluant pour filtrer le CO2 ou l’injecter dans le sol, NDLR), qui tend déjà à manquer.
Par ailleurs, la production scientifique sur ces innovations est aussi tributaire des commanditaires des études et des angles de traitement demandés. De ce fait, certains enjeux sont encore peu traités ou mis de côté.
Qui va en bénéficier ?
Dans ce contexte, il y a un regain d’intérêt, notamment de la part de ceux qui les développent, souvent les pétrogaziers. Cela vient s’ajouter à la panoplie des services qu’ils peuvent offrir et exporter dans le cadre des transformations du marché de l’énergie. Et qui peut aussi constituer in fine un facteur de puissance des États auxquels ces compagnies appartiennent, et dans leur stratégie pour obéir à leurs objectifs climatiques de long terme.
Ce qui caractérise aujourd’hui les stratégies de moyen-long terme, surtout des pays les plus émetteurs, c’est leur flou sur le captage et le stockage. On le mentionne sans précisément expliquer comment ça va être fait et où, et qui va encadrer cette répartition.
Y a-t-il des risques sécuritaires ?
On a besoin de pouvoir transporter le CO2 de manière sécurisée, de pouvoir l’injecter de manière sécurisée et de pouvoir sécuriser le site de stockage. Mais on voit déjà des tensions dans le cadre de l’énergie conventionnelle avec les pipelines qui peuvent être des sites vulnérables.
La question du potentiel de stockage est très variable en fonction des pays et elle est encore hypothétique : on n’a jamais stocké à grande échelle.
Par ailleurs, la capacité géologique d’un État à pouvoir stocker sur son territoire ne signifie pas qu’il le fera. Il y a la question de l’acceptabilité sociale.
Est-ce qu’on va voir des oppositions, comme on en a sur la question des réouvertures de mines, au regard des risques de fuites, de l’endroit où ça va se situer, que ce soit un site historique, un site touristique ou un endroit où il y a des activités économiques importantes ?
Propos recueillis par la rédaction ID avec AFD.