Le parti d’Aung San Suu Kyi a remporté au moins 40 des 44 sièges qu’il briguait aux élections en Birmanie, selon les premiers résultats officiels publiés lundi 2 avril. Un succès incontestable qu’il faut tout de même relativiser. Les nouveaux élus représentent à peine 8% de la chambre basse du Parlement. Il s’agit en effet d’élections partielles : le parti issu de l’ancienne junte y détient toujours une majorité écrasante. Faut-il se réjouir de cette ouverture démocratique ou éviter de s’enthousiasmer ?
J’étais allé dans le pays en mars 2011, quand la junte militaire s’est dissoute d’elle-même. Un an après, on est passé d’un gouvernement militaire à un gouvernement civil, avec un vernis de démocratisation. De nombreuses réformes ont été lancées sans heurts ou obstacles majeurs, même s’il y a des résistances en interne. Tout le monde est surpris de l’évolution positive des choses.
Il y a malgré tout une portée manifeste. Le gouvernement avait fait le pari de montrer qu’il était capable d’organiser une élection dans une atmosphère relativement équitable. C’est une sorte de répétition pour les élections générales de 2015, où 75% des sièges des deux assemblées seront en jeu. Si ce scrutin est libre et honnête, la configuration politique de la Birmanie changera.
On pouvait encore se poser la question il y a un an, mais la sincérité de l’équipe au pouvoir aujourd’hui ne se discute pas. Cette junte – qui a beaucoup à se reprocher, pour rester poli – a anticipé les révolutions populaires comme le printemps arabe. Les réformes sont presque allées trop vite compte tenu des faibles ressources de l’Etat. A présent, la communauté internationale est prête à réintroduire le pays dans le concert des nations. On peut d’ailleurs envisager un allègement des sanctions internationales avant la fin du mois. C’est très bien joué de la part des autorités en place.
La "Dame" [de Rangoun] peut se montrer plus exigeante vis-à-vis du pouvoir, demander la libération de quelques centaines de prisonniers politiques, presser le gouvernement d’accélérer le règlement des conflits ethniques… Mais elle ne peut pas aller trop loin non plus, au risque de fragiliser son partenaire conjoncturel, le président Thein Sein. Il apparaît favorable à l’ouverture, mais de nombreuses personnes à l’intérieur du régime ont beaucoup à perdre et ne veulent pas confier les clés de la maison aux pro-démocrates. Certains aimeraient bien que le processus déraille. Il faut qu’Aung San Suu Kyi soit mesurée.