• Jean de Gliniasty

 Est-ce que la France devrait rompre tout contact avec la Russie, comme le suggère François Hollande ? 

Bien sûr que non. Il y a une cohérence dans l’approche française. D’un côté, nous prenons en quelque sorte la tête de la coalition qui soutient l’Ukraine. Mais de l’autre, et c’est la deuxième jambe de l’approche française, nous essayons d’établir un contact avec la Russie. Ce contact n’est pas très heureux, mais c’est le premier depuis deux ans. Bien sûr, il est marqué par le manque de confiance réciproque, par les mauvaises manières et tout cela. Mais c’est un premier contact. Et à un moment où les Américains se retirent plus ou moins discrètement – mais il est clair que même si c’est Biden qui gagne, les Américains ne sont pas aussi impliqués qu’ils l’ont été dans le passé -, il est important d’avoir cette approche globale, c’est-à-dire à la fois soutenir l’Ukraine et en même temps parler aux Russes.

Comment interpréter les déclarations de Moscou à l’issue de cet échange téléphonique ? Visiblement l’Elysée n’a pas apprécié…

Chacun tire la couverture à soi. Quand il y a ce type d’entretiens marqués par un manque de confiance, des tâtonnements, la méfiance et tout cela, il n’y a pas de communiqué commun. Donc les communiqués, chacun les faits de son côté. Les Russes ont dit ce qui les intéressait et ce qu’ils voulaient dire à leur opinion : en gros, que les Français étaient « allés à Canossa » (le fait de céder complètement devant quelqu’un, d’aller s’humilier devant son ennemi, ndlr). Et les Français ont dit ce qui intéressait l’opinion française, c’est-à-dire qu’on a parlé de terrorisme, qui est une préoccupation pour l’ensemble des citoyens français. Nous n’avons pas parlé d’Ukraine, parce que ça aurait été pas loyal vis-à-vis de l’Ukraine de parler de Kiev dans son dos. Mais dans la réalité, c’est l’amorce d’un débat. Certes, ça a pris une mauvaise tournure, mais je pense que ce ne sera pas le dernier contact que nous aurons avec les Russes.

Vous voyez là une reprise du dialogue entre Paris et Moscou ?

Sur les questions de terrorisme, je crois que c’est souhaitable pour Paris et c’est souhaitable pour les Russes. Le problème, c’est que les Russes sont enfermés dans une logique qui consiste à dire que l’Ukraine n’est pas un Etat, n’est pas un pays, n’est pas une nation, mais qu’elle a participé à l’attentat de Moscou, qu’elle y a trempé quelque part sans être vraiment commanditaire. Les Russes se sont enfermés dans une position de départ sur cette question de terrorisme qui n’est pas très positive. Mais je crois que, malgré tout, les deux pays n’ont pas vraiment le choix, et pas seulement eux d’ailleurs. La lutte contre le terrorisme islamique a toujours été mise à l’écart et à l’abri des guerres, des tensions, de la guerre en Ukraine, à la fois par les Russes, les Américains, les Français et d’autres.

Est-ce que, comme le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, vous pensez que la Russie va cibler l’organisation des Jeux olympiques, y compris en termes informationnels ?

Je ne l’exclus pas, et d’ailleurs je pense que si le président l’a dit, c’est qu’il a probablement des informations. Alors, je ne sais pas si ce sera la Russie elle-même, des groupes de hackers plus ou moins stipendiés, mais je pense qu’il y a un vrai risque. Comme le sport est évidemment une cause nationale, comme dans beaucoup de régimes de ce type, le fait d’avoir été mis un peu de côté, de ne pas pouvoir défiler derrière son drapeau, c’est vécu pour eux comme une humiliation ou comme une capitis deminutio, voire comme une insulte. Et donc ça entraîne évidemment des réactions de tous ordres. À la fois, des Jeux parallèles, à la fois peut-être des interventions de hackers. Donc en tout cas, ils ne faciliteront pas les choses pour des Jeux dont ils s’estiment injustement écartés.