Un mois et demi après le kidnapping de cinq européens (dont deux Français), le groupe terroriste AQMI a publié ce jeudi un communiqué menaçant de tuer les otages, en invoquant une éventuelle opération française. La menace semble sérieuse : AQMI a l’habitude de pratiquer toutes formes de terrorisme…
AQMI a menacé jeudi d’exécuter ses cinq otages dont deux Français si "l’alliance des croisés menée par la France, qui soutient certains régimes comme l’Algérie et la Mauritanie" lance une opération pour les libérer est un épisode de plus dans la guerre psychologique menée par ce groupe.
D’un point de vue tactique, l’objectif est clair : adresser un message à l’opinion publique, surtout en France, pour qu’elle freine les ardeurs de son gouvernement.
Celui-ci est confronté à un choix bien connu :
– céder aux exigences des ravisseurs, essentiellement financières, et attendre qu’ils recommencent ("travaillant" aux frontières de l’Algérie, du Niger, du Mali, de la Mauritanie…, sous-traitant avec des criminels locaux, AQMI n’a pas de mal à renouveler son "stock").
– ou intervenir en sachant qu’une réédition de l’opération de Janvier 2011 est toujours possible (à l’époque une tentative de libération des otages Français Vincent Delory et Antoine de Léocour s’était terminée en tuerie).
Mais au-delà du dilemme classique de l’enlèvement à répétition, Al Qaïda au Maghreb Islamique est un facteur de déstabilisation régionale. Extension multinationale de l’ancien Groupe Salafiste de Prédication et de Combat algérien, elle est devenue en quelque mois l’organisation phare, au point de faire passer dans l’ombre la structure centrale d’Al Qaïda et et de paraître inspirer des groupes aussi dangereux que Boko Haram au Nigéria, ou les shebab de Somalie.
La caractéristique d’AQMI est d’opérer une synthèse entre diverses pratiques terroristes. Elle est capable de tenir un discours islamiste hyper-idéologique et de contrôler des trafics d’armes ou de cigarettes, d’envoyer des kamikazes commettre des attentats suicide en ville et des groupes armés mobiles crapahuter dans le désert, peut-être avec des missiles pris sur les stocks libyens, de vivre du trafic d’otages et de s’adresser d’égale à égal à des chefs d’État.
Pour AQMI, la France est une cible prioritaire. Notre présence militaire en Afrique, le passé colonial en Algérie, notre soutien au gouvernements locaux, l’affaire du voile, la politique de fermeté prônée par Paris (critiquant à certaines périodes les autorités espagnoles qui avaient payé la rançon demandée pour ses otages), notre présence en Afghanistan : autant de raisons de vouloir faire plier la France.
D’autres facteurs plus obscurs peuvent jouer. Ainsi, début janvier un Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), sans doute dissident d’AQMI, et se vantant aussi de détenir des otages occidentaux, déclarait "la guerre" à la France, et affichait son ambition d’exporter le djihad jusqu’à imposer la charria dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Dans une zone impossible à contrôler où prolifèrent barbouzes et intermédiaires, face à des groupes divisés par des ambitions personnelles et des intérêts financiers, le sort des otages, au total douze Européens, dépend aussi du jeu des rodomontades idéologiques et de l’humiliation symbolique.