Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), explique pourquoi il n’y a pas d’autre choix qu’un départ rapide de l’Otan en Afghanistan.
Initialement, il s’agissait de traquer Ben Laden et de chasser les talibans du pouvoir puisqu’ils l’hébergeaient. On peut dire aujourd’hui que ces missions sont acquises, du moins pour la première. Pour les talibans, le problème est que la durée de l’opération est venue leur redonner une légitimité interne. La présence de l’Otan ne les a pas empêchés de reprendre le contrôle d’une grande partie du territoire. Ensuite, on a ajouté un peu pêle-mêle, au gré des discours, d’autres missions à cette intervention, comme la reconstruction d’un État ou bien la libération de la femme. Il est difficile de dire qu’il y a eu des progrès sur ces points puisque l’Afghanistan est un État failli. Il existe une corruption au plus haut niveau de l’État. Le sort des femmes n’a pas réellement évolué…
Aujourd’hui al-Qaida est en récession. Le terrorisme est en recul, même s’il n’a pas disparu. Mais ce n’est pas seulement grâce à la guerre en Afghanistan mais aussi parce que les gens qui étaient disposés à suivre les terroristes ont vu qu’ils étaient menés vers une impasse. La menace terroriste, qui a été très souvent grossie, est aujourd’hui ramenée à de plus justes proportions. En plus, comme on l’a vu à Oslo, le terrorisme n’est pas nécessairement associé à l’islam.
La France n’a jamais subi de pertes aussi grandes que cette année. Dire que c’est parce que nous sommes en train de gagner que les talibans en sont réduits à des stratégies de désespoir est une explication un peu courte. On ne peut pas gagner cette guerre. Face à cette impasse qui est de moins en moins supportable pour les opinions, il faut trouver une porte de sortie honorable. Comme le retrait sera progressif, cela ne sera pas une débâcle mais cela ne sera pas non plus une victoire.
Quelles sont les alternatives? Rester et mener une guerre sans fin, pas gagnable, avec des pertes humaines et un gouffre financier de plus en plus important? Il faut effectivement partir en bon ordre et le plus tôt possible. Le retrait pourrait même être accéléré et réalisé avant 2014. Je ne vois pas ce que l’on a à gagner à rester en Afghanistan. On ne pourra pas inverser le cours stratégique des choses.
De toute façon, c’est déjà le chaos. Si les troupes partaient, que se passerait-il? Les talibans reviendraient au pouvoir et le président Hamid Karzai serait certainement exécuté. On n’arrivera pas à afghaniser la guerre ou à créer un État de droit en Afghanistan par le biais d’une présence militaire étrangère. Le problème est de savoir si une armée étrangère peut reconstruire une société. On peut plutôt penser que les différentes interventions armées extérieures, qu’elles aient été soviétiques ou sous la conduite de l’Otan, ont plutôt débouché sur une régression de la société afghane. Je ne suis pas sûr que la situation soit meilleure aujourd’hui qu’il y a dix ans. Cela évoluera un jour ou l’autre. Mais c’est à la société afghane de se reconstruire.