Équateur : une plongée rapide dans le chaos criminel

  • Michel Gandilhon

    Michel Gandilhon

    Membre du conseil d’orientation scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales (ObsCI)

En ce début d’année 2024, l’histoire s’accélère en Amérique latine, région en proie depuis des décennies à une hyperviolence, qui vient rappeler l’impact géopolitique et pas seulement sécuritaire des organisations criminelles quand elles atteignent un seuil de développement critique. Depuis des décennies, le monopole de la violence légitime d’un nombre de plus en plus croissant d’États y est battu en brèche par une myriade de groupes  ̶  gangs, cartels, guérillas, paramilitaires, etc  ̶ constituant une menace existentielle pour la vie démocratique. Le basculement du domino équatorien, jusque-là récemment relativement épargné par ces phénomènes, liés notamment aux trafics de drogues, que l’on voit quotidiennement au Mexique, au Venezuela ou encore en Colombie, en fournit une énième illustration tragique. En l’espace d’une dizaine d’années, le pays est devenu un espace de transit majeur de la cocaïne produite en Colombie en direction des États-Unis, de l’Europe et, dans une moindre mesure, de l’Asie. Encerclé par les deux plus grands producteurs de cocaïne au monde, doté d’une façade sur le Pacifique qui ouvre vers l’Asie à l’ouest, le corridor centre-américain  ̶  lui donnant accès à l’Europe via le canal de Panama   ̶   et les États-Unis au nord, l’Équateur était malheureusement condamné par sa géographie à attirer les convoitises d’organisations criminelles en quête incessante de nouvelles routes. Ainsi, Guayaquil, classé dans le top 100 des plus grands ports en matière de marchandises transportées, est devenu, comme le reste du pays, le théâtre d’une guerre de gangs pour le contrôle des docks. S’il est probablement encore trop tôt pour parler d’État failli, l’arrière-fond des multiples crises d’ordre à la fois politique, sociale et sécuritaire que rencontre le pays depuis quelques années fait craindre une « mexicanisation », dont on sait qu’une fois entamée il est très difficile de sortir. Plus que jamais, pour reprendre le titre d’un ouvrage désormais classique d’Eduardo Galeano, les veines de l’Amérique latine sont ouvertes. Une leçon à méditer pour l’Europe. Entretien avec Michel Gandilhon, membre du conseil scientifique de l’Observatoire des criminalités internationales de l’IRIS (ObsCi), expert associé au département sécurité-défense du Conservatoire national des Arts et métiers (CNAM)…

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