« L’IRSEM, institut dépendant du ministère des Armées, a réalisé un rapport (auquel les chercheurs spécialistes de l’Asie de l’institut ne se semblent pas avoir été associés) dans lequel l’IRIS est mis en cause pour ses contacts avec l’ambassade de Chine en France.

Le Monde et France Inter ont relayé ce rapport qui nous présente comme un « relais local d’opérations chinoises ».

Ni le directeur de l’IRSEM, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, qui a corédigé ce rapport, ni les journalistes qui l’ont relayé, n’ont pris la peine de me contacter, ou de contacter des membres de l’IRIS, pour entendre nos arguments, ce qui peut paraître curieux et dénote un singulier problème méthodologique. Alors que je m’étonnais, après l’article du Monde paru le 3 septembre dernier, de n’avoir pas reçu le rapport, le directeur de l’IRSEM se justifiait en disant que me l’envoyer reviendrait à ce qu’il atterrisse directement sur le bureau de l’ambassadeur de Chine, ce qui en dit long sur un certain niveau de préjugés.

Maintenant que le rapport est public, nous allons le lire attentivement pour pouvoir répondre plus précisément. Mais, d’ores et déjà, je peux confirmer qu’en effet nous avons coorganisé des colloques avec l’ambassade de Chine en France. Dire que lors de ces évènements toute lecture critique du projet des routes de la soie a été écartée est tout simplement faux, un chercheur de l’IRSEM ayant d’ailleurs participé à l’un d’entre eux.

L’IRIS organise également avec de nombreuses ambassades, dont celle des États-Unis, des événements qui ne constituent nullement des procès des pays en cause, mais permettent toujours une variété de points de vue. D’autres think tanks français ont également coorganisé des événements avec l’ambassade de Chine sans pour autant être mis en cause.

L’enjeu est de savoir si l’on peut toujours entretenir un dialogue critique avec la Chine et ses représentants ou si nous devons refuser tout contact avec eux, ce à quoi poussent de plus en plus les États-Unis. Je ne pense pas que la lutte pour la suprématie mondiale qui se déroule entre Pékin et Washington doive interférer sur les positions françaises et européennes.

Le lecteur de bonne foi constatera aisément que les positions critiques de l’IRIS et de ses chercheurs à l’égard de Pékin ne manquent pas, notamment sur le site de l’institut.

L’IRIS a le don d’irriter certaines personnes qui visiblement craignent le débat public. Mais il me paraît assez grave que l’indépendance de l’IRIS, qui est son ADN, soit mise en cause et que l’on passe pour un relais des positions chinoises. Je reviendrai ultérieurement et plus longuement sur l’ensemble de ces éléments. »

Pascal Boniface
Directeur de l’IRIS